Réenchanter le monde.

 

Il est grand temps de rallumer les étoiles.
(Guillaume Apollinaire)

 

Imaginons un conteur jovial épris de belle histoires, amoureux des mythes, sagas, métaphores inspirées, rites animistes et polythéistes de communion et de participation cosmique, attaché aux divinités tutélaires, déesses mères et belles au bois dormant. Ce ne sont là que des affabulations, il le sait, mais il sait aussi que ces fictions-là peuvent générer un monde sacralisé, magnifié, embelli, pacifié, un monde capable de célébrer la vie, de susciter le respect, d’émouvoir et de toucher un auditoire. A ses yeux, iI ne s’agit pas de croire aux dieux ni aux fées mais de mettre ces métaphores à contribution pour réinjecter du merveilleux dans nos vies, sublimer, revitaliser et dilater notre univers, voir le monde avec des yeux neufs. RENDRE GRÂCE BIEN QU’IL N’Y AIT PERSONNE… À QUI RENDRE GRÂCE, voilà une disposition d’esprit capable de réenchanter le monde! On n'est pas loin de la foi, de la dévotion, de la bhakti à l'indienne! C'est comme une spiritualité agnostique, comme  une féerie délivrée de la croyance, comme une joyeuse célébration de la vie – après dissolution de tous les leurres prétendument salvateurs.

 

 

"Oserais-je avouer que je me sens de plus en plus animiste, et que c'est la fréquentation des contes qui m'a tranquillement amené à cette fois sans dogmes, à cette religion sans doctrine, bref à cette sorte d'anarchisme mystique (mystique, je précise: explorateur de mystère). Oui, je crois savoir que même les objets inanimés ont une âme et que cette âme, comme dit le poète, nous "force d'aimer". Encore une précision nécessaire: par "âme" j'entends cette force désirante qui nous maintient au monde. [...] Et si la Terre, l'océan, les arbres, les montagnes nous aimaient plus que nous les aimons? Avez-vous pensé à cela? Et si ce que nous appelons, avec un aveuglement misérable, notre "environnement", toute cette vie qui est là, partout, n'espérait de nous qu'un signe, fût-il de vermisseau, pour que commence enfin non pas l'apocalypse redoutée, mais une inimaginable fête de retrouvailles? Je crois, oui, que la Terre attend de ses enfants qu'ils se soucient un peu d'elle, qu'ils lui parlent avec un minimum d'affection. [...]

 

Henri Gougaud dans "Le rire de la grenouille,

petit traité de philosophie artisanale".