Le père Noël du développement durable

vous adresse cette supplique.

 

Vous avez sans doute été gâtés à Noël ! Et le même scénario va se répéter, inlassablement, tous les 25 décembre. Au fil des ans, peut-être allez-vous ainsi découvrir sous le sapin les curiosités les plus novatrices de l’année, par exemple un alpenstock ou bâton de randonneur germanique avec GPS incorporé. Ou un téléphone portable comestible et survitaminé utilisable en guise de ration-survie pour vous alimenter si vous êtes en perdition. Ou un pare-buffle à porter en sautoir sur l’abdomen pour encaisser le choc en cas d’attaque lorsque vous vous aventurez en dehors de votre 4x4 blindé. Ou un couteau suisse avec compte numéroté accessible sur simple pression d’un bouton. Ou un pistolet à dégainage ultrarapide pour tirer à vue sur Lancou. Ou un multipack de raviolis farcis de spécialités carnées amazoniennes, mitonnées par les indiens Jivaros, pour les adeptes de la manducation exotique. Ou une gravure top mode – un tantinet licencieuse – intitulée  «Nain de jardin étreignant une pintade fardée dans un camping-car»,  etc., etc., mais est-ce bien raisonnable de s’entourer ainsi d’une meute d’objets aussi consternants ! Notre société de consommation nous propose une nouveau produit chaque matin en vue d'éveiller en nous un désir qui n'existait pas la veille! Figurez-vous que sous mon sapin, j'ai même une fois découvert à Noël une balise Argos miniaturisée livrée en kit par un industriel chinois. Et dans la notice, le fabricant déclarait tout de go que mon barbier ou mon tatoueur attitré était tout à fait compétent pour me greffer l'objet au sommet du crâne. Vous vous rendez compte! Une balise Argos pour aller voir ailleurs si j'y suis! On aura tout vu! Alors, de grâce, en pareil cas, prenez tout de suite les devants : invoquez la sacro-sainte « croissance zéro », dites à votre entourage que, pour Noël, vous ne voulez rien. Rien du tout !  Trois fois rien peut-être, mais surtout pas davantage. Essayez, aussi, de vous concilier les bonnes grâces de la Providence et, le jour de Noël, retrouvez  la foi ingénue de votre enfance. Rendez-vous alors à l’église paroissiale pour déposer un petit savon dans la crèche, aux pieds de la Vierge Marie*, en déclarant à haute et intelligible voix « C’est pour l’Ave Maria ! » afin que les fidèles attroupés autour de l’enfant Jésus ne se méprennent pas sur la pureté de vos intentions. Ce n'est pas irrévérencieux, c'est vraiment pour laver Maria. Mais cela ne vous empêche pas de prier pour moi. Dieu vous le rendra au centuple.

 

* Déposer un petit savon au pied de la Vierge Marie n'a rien d'irrévérencieux, bien au contraire. Substance purificatrice, le savon symbolise et commémore le rituel de purification auquel Marie – comme toutes les femmes juives de l'époque – s'est prêtée, dit-on, de bonne grâce, après la naissance de Jésus. Connue sous le nom de Chandeleur, la fête de la purification de la Vierge est une fête catholique, dérivée du rituel juif d'origine, qui célèbre les relevailles de Marie.